COSMOS
pour multi-percussion et orchestre
Pour Jean-Luc Darbellay, la percussion est un instrument parfait, tant en solo qu’avec un
orchestre, car elle forme un monde en soi. De fait, la percussion se distingue par la richesse de
ses timbres, le mélange de sonorités très douces et très sauvages, de même que la superposition
d’instruments avec sonorités définies et non définies. Un instrument qui a beaucoup évolué au 20e
siècle, notamment par l’adjonction d’instruments venus d’autres cultures, mais aussi l’invention de
nouveaux instruments.
Parmi les pièces pour ou avec percussion de Jean-Luc Darbellay, on peut citer Shadows (1998)
pour 5 percussionnistes. Cette partition joue beaucoup sur le côté souvent mystérieux des
percussions et présente notamment le principe de clusters mouvants (arabesques en microcanons)
qu’on retrouve dans beaucoup d’oeuvres du compositeur, dont Cosmos. Elle se base sur
des notes pivots (do dièse, mi bémol et mi) et alterne des passages très rythmés et un peu
sauvages avec des moments calmes et statiques. Elle se termine en une cathédrale sonore,
principe que nous retrouvons là encore dans Cosmos.
Le titre astronomique de «Cosmos » pour multi-percussions et orchestre se veut une métaphore
de l’univers en soi que forme la percussion : un univers remplis de contrastes où, sous l’apparence
d’un paisible ciel étoilé, prennent place des explosions, des trous noirs, et d’autres phénomènes
d’une rare violence.
Quelques balises permettent de mieux comprendre certains aspects et points fort de Cosmos:
• L’oeuvre est écrite pour 24 instruments de percussions et a été conçue en fonction de la soliste,
Dame Evelyn Glennie. Par exemple, celle-ci apprécie beaucoup la caisse claire et c’est donc cet
instrument qui ouvre la partition, tandis que les instruments de l’orchestre sont d’abord utilisés de
façon percussive, ainsi les bois qui font des bruits avec leurs clés ou les cuivres qui frappent
avec la main sur l’embouchure.
• Si Cosmos ne présente pas de dialogue concertant entre la percussion et l’orchestre, deux
instruments vont toutefois dialoguer de façon importante avec la soliste : les timbales et le piano
(ce dernier utilisé bien souvent de façon percussive).
• La partition se découpe en plusieurs sections, marquées notamment par l’emploi de différents
types de percussions et par la présence de grandes cadences de la soliste.
• A plusieurs reprises, des silences généraux (points d’orgue) sont là pour permettre à la soliste de
se déplacer d’un groupe d’instruments vers un autre, l’ensemble des percussions occupant un
large espace.
• Le finale est marqué par l’apparition en trémolo aux cordes de trois notes (si - fa - la) bientôt
rejointes par deux autres (sol et mi bémol) qui forment donc une gamme par ton, échelle aux
sonorités bien particulière et déjà souvent employée, notamment par Debussy dans son prélude
pour piano Voiles. Ces cinq notes vont progressivement envahir l’espace musical, au moment où
interviennent pour la première fois les cloches tubulaires. L’apparition de cet ultime instrument va
terminer la pièce, tout comme Shadows, en une cathédrale sonore, sorte de grand choral où tout
l’orchestre ne joue plus que les cinq notes en question. C’est donc sur l’harmonie du cosmos
plutôt que son aspect apocalyptique que se conclut la partition.
En guise de conclusion, on peut citer cette phrase que Jean-Luc Darbellay écrit à propos de
Shadows, mais qui s’adresse également à Cosmos : «A distance, tous les objets, même les plus
durs, jettent une ombre floue. Ainsi, les sons les plus percutants meurent en douceur dans l’aura
de leur halo sonore.»
Yaël Hêche